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Pascal Praud… tête de pont !

  • Photo du rédacteur: Gildas Lecoq
    Gildas Lecoq
  • il y a 11 minutes
  • 8 min de lecture

Avec un titre pareil j’ai forcément votre attention ! Une fois n’est pas coutume j’ai souhaité aborder, la question du récit médiatique car à l’approche des municipales, nos médias parlent de tout… sauf peut-être de l’essentiel : les attentes des habitants. En effet, plus il y a de chaînes d’info, moins la France se voit telle qu’elle est. Entre indignations ritualisées et dramaturgies partisanes, ceux qui dénoncent nuit et jour la fameuse « technostructure », accusée de tous nos maux, ont fini par créer ce qu’il convient d’appeler la « médiastructure ». Un modèle qui regarde le pays sous un angle qui ne reflète pas forcément les priorités des Français, mais qui suffit à tenir les téléspectateurs éveillés et à flatter les éditorialistes patentés. Il est peut-être temps de remettre le local au cœur du récit médiatique.

Par Gildas Lecoq


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À cent jours des élections municipales, une inquiétude grandit parmi les maires de France, celle de voir l’instabilité du paysage politique national contaminer un scrutin qui, normalement, devrait rester ancré dans les réalités locales.

Les habitants des 36 000 communes de France attendent avant tout un débat ancré dans leur quotidien : l’école primaire, les transports locaux, le coût du logement, la sécurité de proximité, la transition écologique, la vie associative, le commerce local, la propreté, les services publics, bref tout ce qui fait la qualité de vie. Or, pour l’heure, ces débats locaux, essentiels pour chacun, n’ont pas commencé. Nos médias parlent bien des municipales, mais ne s’intéressent qu’aux équilibres nationaux : qui renforcera qui, quel parti reculera, quel camp l’emportera. Rien, ou presque, sur les programmes, les dynamiques territoriales, sur les attentes réelles des habitants.

Cet appauvrissement de l’information locale n’est pas accidentel : il est désormais structurel. Il tient au rythme effréné de l’actualité nationale et à la polarisation politique. Mais une fois n’est pas coutume, penchons-nous sur l’influence des médias dans les débats locaux.

 

Sans le savoir les journalistes ont créé la « médiastructure »

Ce que l’on appelle aujourd’hui “l’actualité” est devenu un flux unique, homogène, centré sur les mêmes polémiques, les mêmes voix, les mêmes angles. Voilà ce qu’est l’uniformisation : une information qui prétend couvrir tout le pays mais raconte toujours la même histoire. Je rassure le lecteur, cette tendance ne relève ni d’un complot ni d’une intention malveillante. Non, elle découle d’un mécanisme plus simple et plus profond. Comme les politiques et les fonctionnaires ont créé la technostructure, les journalistes ont, sans le savoir, créé une « médiastructure ».

En effet, de même qu’il existe une technostructure (administrations et services de l’État qui veillent à la bonne application des lois), il existe désormais une structure parallèle qui façonne, non pas l’action publique, mais la perception que nous en avons. Quand la fameuse technostructure agit, elle met en œuvre, régule, applique, empêche parfois (trop souvent sans doute), sans émotion, sans sentiment, la « médiastructure », raconte, sélectionne, cadre, hiérarchise. Elle ne produit pas de politiques publiques, mais des récits. Elle ne décide pas du pays, mais du débat. La « médiastructure » ne nous impose pas directement une opinion (« pense ça »), elle choisit les sujets dont on parle, et donc les sujets auxquels on pense. Et lorsque la perception prend le pas sur l’action, c’est l’équilibre démocratique qui peut vaciller.

 

Quand la « médiastructure » travestie la France réelle

Cette mécanique est puissante, souvent invisible. Elle oriente par nombre de débats proposés, ce dont on parle, comment on en parle et ce que l’on finit par oublier. Elle nationalise les enjeux, uniformise les représentations et transforme les élections locales en référendums permanents sur le pouvoir central. À force de simplifier le réel, elle en déforme l’image.

Alors que le pays compte plus de chaînes d’information que jamais, la diversité des récits s’est paradoxalement réduite. Jamais l’actualité n’a été aussi centralisée, jamais les territoires n’ont été aussi peu racontés. La France réelle s’efface derrière une France médiatique enfermée dans un vase clos, structurée autour des mêmes polémiques et des mêmes grilles d’analyse. Un fait divers devient le thème de nombreuses heures de débats qui ne proposent aucune solution réelle. On évoque, on imagine, mais on ne trouve jamais réellement de solutions concrètes et… réalisables !

La nationalisation du récit ne doit rien au hasard. La disparition progressive des radios locales, la fragilisation de la PQR, la réduction des décrochages régionaux de France 3 ont laissé un vide que les chaînes d’info ont rempli en imposant leurs codes : immédiateté, dramatisation, débat permanent. La vie locale c’est bien souvent le compromis et donc la nuance… et la nuance, elle ennuie pour rester poli !

Dès lors, le fait local n’existe plus pour ce qu’il est, il devient un matériau narratif. Une fermeture de classe, un projet municipal, un conflit territorial n’intéresse plus. Mais une rixe entre deux groupes d’habitant est aussitôt interprétée selon les catégories du débat parisien et national.

Le lieu compte moins que le symbole qu’il permet de fabriquer et le réel compte moins que le récit national qu’on peut en tirer.

Résultat : plus il y a de chaînes, moins il y a de diversité. Les mêmes invités se succèdent, les mêmes sujets s’enchaînent, les mêmes polémiques saturent l’espace.

Pendant ce temps, sur tout le territoire, des élus locaux inventent, coopèrent avec des associations, innovent avec des entreprises réelles. Eh oui, le déclassement territorial n’est pas forcément qu’économique, il est souvent médiatique. Un pays qui ne raconte plus la vraie réalité de ses territoires ne comprend plus ce qu’il est. Et cette réalité n’est pas celle qui fait les titres des médias mais celle du quotidien de chacun. Même les acteurs mondialisés ont compris l’importance du local mieux que nos médias nationaux. Amazon, Airbnb, Uber Eats dialoguent avec les élus locaux, adaptent leurs modèles aux bassins de vie, lisent les usages et les contraintes territoriales. Là où les médias voient une carte électorale, eux lisent un écosystème.

La mondialisation redécouvre le territoire et ses richesses au moment même où l’information nationale s’en détourne. C’est dire à quel point notre paysage médiatique s’est déconnecté de la France réelle.

 

Un théâtre politique déconnecté du quotidien

À cent jours du scrutin, on aurait pu espérer que le débat médiatique se concentre sur les enjeux locaux : écoles, transports, logement, transition écologique, vie associative, cadre de vie. Mais l’espace médiatique préfère se focaliser sur les jeux d’appareils, les rivalités internes, les petites phrases ou des questions sans réalité comme les crèches dans les mairies, pour prendre un exemple d’actualité. La politique n’y est plus présentée comme une action, mais comme une intrigue.

 

Ce glissement ne s’explique pas uniquement par la vitesse de l’actualité. Il tient aussi à l’évolution du rôle de l’éditorialiste dans cette « médiastructure ». Oui, le rôle du “petit homme fardé” qui dénonce chaque matin la technostructure, si facile à critiquer. Sa mission initiale, qui était de contextualiser, expliquer, éclairer, a été remplacée par une obligation de réaction immédiate. Ce que l’on attend désormais de lui n’est plus une analyse, mais un effet. Le commentaire a remplacé l’argument, l’émotion a supplanté la nuance. L’éditorialiste n’est plus un interprète du réel, il est devenu un animateur de la colère.


Pascal Praud... tête de pont !

Dans ce paysage, Pascal Praud occupe une place particulière. Non qu’il soit responsable de cet état de fait, entendons-nous bien, mais son exposition en fait un révélateur, une tête de pont (d’où le titre provocateur de cet article pour ceux qui suivent !).

Comme beaucoup d’autres, ses éditoriaux quotidiens reposent sur une mécanique bien rodée : mettre en cause ceux qui gouvernent ou ceux qui mettent en œuvre les décisions, souvent présentés comme déconnectés ou incompétents. Les “petits hommes gris” deviennent les personnages d’un récit où l’administration apparaît comme une force hostile. Les élus sont toujours fautifs, les fonctionnaires toujours coupables, et ses points de vue toujours lucides. Une dramaturgie où chacun joue un rôle pré-écrit.

Pourtant, ceux qui travaillent dans l’action publique savent combien la réalité est complexe : contraintes juridiques, budgets serrés, arbitrages, mobilisation des équipes.


La seule expérience managériale, à ma connaissance, de Pascal Praud au FC Nantes suffirait à rappeler qu’il est plus facile de commenter un match que de diriger une équipe (Je n'écris évidemment pas cela parce que je suis supporter du stade Rennais, entendons-nous bien!).


Il ne s’agit pas de juger l’homme (brillant, d’ailleurs), mais la fonction qu’il incarne : celle d’un éditorialiste devenu acteur d’un récit qui simplifie à l’excès, polarise et détourne l’attention des enjeux réels.


Attention dans le camp d’en face, à Radio France par exemple, la mécanique est différente, mais le résultat n’est pas toujours plus équilibré. La station publique revendique une exigence journalistique forte et un attachement à la rationalité du débat ; pourtant, elle produit elle aussi un récit politique pré-cadré, avec ses angles récurrents, ses catégories toutes faites et ses réflexes idéologiques.


Évidemment, il ne s’agit pas ici de mettre en cause la probité ou la compétence des journalistes, qui travaillent dans ces médias. Mais ils font, quoi qu’ils en pensent, tous partie de la « médiastructure ». En effet, tous les médias, qu’ils soient privés ou publics, finissent par produire leurs propres routines d’interprétation, leurs propres “petits hommes gris", qui façonnent la perception du pays.


Le récit médiatique des extrêmes n'endort pas les français !

Et deux forces dominent dans cet espace médiatique, le RN et LFI, tout en étant pourtant celles qui ont le moins d’élus locaux. Elles parlent beaucoup du pays, mais gouvernent peu ses territoires. Cela ne tient pas du hasard. Cela révèle un mécanisme.

Un de mes professeurs de sémiologie de l'image expliquait un jour, avec un réalisme presque brutal, que la première fonction des médias n’était pas tant d’informer que de « garder éveillé » le téléspectateur pour lui vendre de la publicité. Et il ajoutait que quatre émotions garantissaient ce résultat : la peur, la colère, le rire et le sexe.


Appliquée à la politique, cette grille éclaire tout. Au Rassemblement national, la peur, en centrant son discours sur l’immigration et la sécurité. À La France insoumise, la colère, avec une mise en scène permanente de la confrontation politique et médiatique d'ailleurs.

 

Ces émotions captent l’attention des téléspectateurs ou des auditeurs et donc l’audience. Elles écrasent mécaniquement les autres forces politiques qui sont dans la nuance… celle qui ennuie (toujours pour rester poli).


Pire, il est systématiquement demandé aux autres forces politiques de réagir aux peurs et colères exprimées par ces deux partis. C’est ainsi que la « médiastructure » organise les programmes : quand le fait divers ne nourrit pas l’agenda, la place du RN ou de LFI sert à alimenter le débat… En cas de pénurie un sondage aux questions bien ciblées fera aussi l’affaire ! Dès lors, ceux qui sont en responsabilité et gouvernent réellement les territoires (communes, intercommunalités, départements, régions…) sont les moins présents sur les plateaux nationaux ou dans les studios.

 

L’action vaut plus que le commentaire

Évidemment, la démocratie française n’est pas menacée. Elle fonctionne bien, même. Elle s’adapte, elle évolue. Mais elle gagnerait à être mieux équilibrée entre ce que racontent les médias nationaux et ce que vivent réellement les territoires. Aujourd’hui, le récit médiatique penche trop du côté de la polémique et pas assez du côté de l’action concrète !


Car c’est bien dans les communes, les intercommunalités, les villes et villages de France que se prennent chaque jour les décisions qui améliorent la qualité de vie : écoles rénovées, mobilités repensées, logements produits, espaces publics transformés, solidarités locales renforcées, écologie positive. Ces chantiers sont souvent invisibles dans le débat national, mais essentiels pour les habitants. Les élus locaux, les agents territoriaux, les associations, les entreprises de proximité ne demandent pas d’être célébrés : ils demandent simplement que leur travail fasse partie du récit collectif. Que la France ne se réduise pas à quelques studios et à quelques voix. Que l’analyse nationale intègre ce que produit le terrain, au lieu de le traiter comme un décor secondaire.


Alors évidemment, retrouver cet équilibre ne signifie pas opposer deux mondes, bien sûr : il s’agit au contraire de les reconnecter. Le national a besoin du local pour comprendre ce que vivent les Français. Le local a besoin du national pour donner sens à ses initiatives.


Redonner une place aux territoires dans le récit médiatique, c’est accepter qu’il existe une autre France : plus concrète, plus pragmatique, plus silencieuse parfois, mais indispensable pour comprendre où va le pays. Une France qui se sent parfois déclassée, oubliée, mais une France qui est fière et qui ne comprend pas ces débats anxiogènes qui ne la concernent pas ! C’est reconnaître que l’action vaut plus que le commentaire. Et que, pour raconter la France telle qu’elle est, il faut écouter ceux qui la font vivre au quotidien même quand ils s’expriment avec nuance.

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