Budget 2025, un "Shutdown communal" est-il possible ?
Alors que plusieurs motions de censure ont été déposées suite à l’utilisation par le Premier Ministre de l’article 49-3, pour faire adopter une partie de son Budget 2025, ce dernier à de grande chance d’être rejeté complètement ! L’absence de budget pourrait, dès lors, avoir des conséquences multiples et compliquées sur la vie quotidienne des Français. Une telle situation peut-elle se produire au niveau municipal, et qu’adviendrait-il si une commune française n’adoptait pas, elle aussi, son budget 2025 ? Par Gildas Lecoq
Loin d’entraîner un "shutdown" à l’américaine ou le chaos français actuel, cette situation aurait comme au niveau national des conséquences multiples sur l’autonomie et la gestion municipale.
Une obligation légale et incontournable
La première des choses à savoir c’est que le budget primitif d’une commune doit impérativement être adopté avant le 15 avril de l’exercice en cours, conformément au Code général des collectivités territoriales. En cas de blocage ou de rejet, le préfet intervient rapidement, et saisit la chambre régionale des comptes pour garantir la continuité administrative et financière. Cette saisine est obligatoire et vise à examiner la situation financière de la commune.
La Chambre régionale des comptes peut élaborer un budget « de secours » ou « de remplacement » qu’elle soumet au préfet pour adoption d’office. Si ce mécanisme évite une paralysie totale de la collectivité, il réduit considérablement la souveraineté du maire et de son conseil municipal et suspend, de fait, le pouvoir décisionnel des élus locaux.
Si le non-vote d’un budget ne paralyse pas une commune, il en fragilise le fonctionnement et l’autonomie entraînant plusieurs conséquences désagréables à la fois pour les habitants mais également les agents communaux.
Une gestion limitée aux dépenses courantes !
Concrètement, cette situation de paralysie budgétaire signifie que, faute de budget prévisionnel voté, la gestion des finances locales se trouve strictement encadrée. Seules les dépenses inévitables et impératives peuvent être prises en charge, à savoir le versement des salaires des agents municipaux, le remboursement des dettes de la commune et la poursuite des services essentiels, tels que ceux concernant les écoles communales, l’état civil et la collecte des déchets. Le contenu d’une saison culturelle peut ainsi se voir très (très même) largement amputée (voir suspendue).
Des Projets retardés ou annulés
Les investissements, qui jouent quant à eux un rôle primordial dans l'essor et la modernisation d’une commune, sont pour leur part tous suspendus voir annulés. Ainsi, toute action visant à développer de nouveaux projets ou à améliorer les équipements communaux se trouve bloquée. Cette mise sous tutelle temporaire (enfin il faut l’espérer), par le Préfet est évidemment mal vécue par les élus. Toutefois, contrairement aux shutdowns américains, où une absence d’accord budgétaire peut entraîner la fermeture d’administrations publiques non essentielles, le système français garantit une continuité des services publics communaux. Grâce à la gestion par douzièmes provisoires, le maire peut ainsi engager des dépenses à hauteur des crédits de l’année précédente, répartis mensuellement.
Pour en revenir à l’actualité du moment et le risque du non-vote du projet de loi de finance 2025, les conséquences pour les collectivités ne sont pas encore complètement connues mais certaines sont prévisibles. Car la chute de l’exécutif empêcherait l’adoption et l’application du budget de la Sécurité sociale, et sans doute par ricochet celui de l’État et conduirait probablement à la reconduction automatique du budget 2024.
Quelques exemples de conséquences...
Exit les engagements de relance du secteur de l’immobilier et l’élargissement du périmètre du prêt à taux zéro pendant trois ans à l’ensemble du territoire français. Conséquences pour les communes et les Départements notamment la poursuite malheureusement de la réduction des recettes fiscales liées à l’immobilier, la baisse conséquente et problématique des droits de mutation et des taxes d’aménagement perçues au niveau local.
Exit aussi le protocole d’objectifs et de moyens signé le 16 octobre dernier en Martinique. Les engagements de l’État notamment sur la baisse de la TVA, devraient être "différés"…
Exit le fonds exceptionnel de 100 millions d’euros pour les Ehpad ou le soutien de 200 millions d’euros aux départements pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).
Exit également toutes les promesses faites aux agriculteurs en 2024 qui ne pourront aucunement être financées…
On le voit le vote du Budget n’est pas un acte anodin et son non-vote que ce soit au niveau national ou local peut avoir des conséquences considérables notamment pour les Françaises et les Français. Mais depuis hier on a pas vraiment l’impression qu’ils (les Français) entrent en ligne de compte dans les calculs d’apothicaires de certains élus de la République...
Commentaires