Être Maire aux États-Unis, un mandat plus libre mais moins influent !
Dernière mise à jour : 14 nov.
Mercredi 6 novembre, après de longs mois de campagne, Donald Trump a remporté l’élection présidentielle des États-Unis d’Amérique. Une victoire logique pour certains, surprise pour d’autres, les observateurs prédisaient, en effet, un scrutin extrêmement serré et pourtant la victoire a été très nette ! Profitons de ce coup de projecteur sur les élections américaines pour regarder d’un peu plus près la spécificité du mode de scrutin municipal, cette fois-ci, outre-Atlantique.
Par Gildas Lecoq
Une chose est certaine, contrairement à la France, les États-Unis reposent sur un modèle à la décentralisation politique très réel. Un modèle où les États et les entités territoriales jouent un rôle clé et véritable dans la gouvernance locale.
Cette différence fondamentale résulte évidemment de l’histoire et des principes fondateurs de chaque pays, le fédéralisme étant au cœur de l'organisation américaine, alors que la centralisation et la concentration des pouvoirs a toujours été une caractéristique de l'État français.
Dès lors, on comprend mieux la, ou plutôt, les spécificités, des élections municipales aux États-Unis puisque celles-ci sont uniques en raison de leur diversité et de leur flexibilité.
Une organisation plus libre
Contrairement à la France, où les règles électorales municipales sont uniformisées, chaque ville américaine est, en effet, libre de structurer et d’organiser ses élections selon ses besoins locaux. Cette différence étonne les observateurs français, eux qui cherchent très souvent à transposer les spécificités sociales et politiques américaines en France.
Cette autonomie historique des villes remonte à la période coloniale. Les localités américaines avaient une tradition d’autogestion, et cette autonomie s’est perpétuée après l’indépendance. Chaque communauté locale a pu adapter son gouvernement et ses pratiques électorales aux besoins spécifiques de sa population. Aux États-Unis, les villes disposent à la fois de plusieurs modèles pour élire leurs dirigeants locaux, chacun offrant des degrés variés de pouvoir au maire et de structure au conseil municipal.
L’Élection directe du maire
La majorité des grandes villes américaines utilisent un système dit de « mayor-council », où les électeurs élisent directement le maire, qui dispose de pouvoirs exécutifs pour gérer les affaires de la ville. Le maire est souvent élu en même temps que les membres du conseil municipal, mais sur des bulletins séparés. Dans ce modèle, le maire prend les décisions importantes, dirige les différents services de la ville, et supervise leur fonctionnement. Le conseil municipal a, quant à lui, un rôle distinct : discuter et adopter les lois locales (comparables aux délibérations communales en France) ainsi que le budget de la ville. Ce "système présidentiel local" fait référence au fait que le maire a des pouvoirs exécutifs similaires à ceux d’un président, mais à l'échelle de la ville, tandis que le conseil municipal joue un rôle législatif en votant des lois et en décidant du financement de la ville.
L’Élection du conseil municipal avec un maire choisi parmi les conseillers
Plus proche du système français, dans les villes plus petites ou moyennes, le modèle dit de « council-manager » est souvent privilégié. Dans ce système, les citoyens élisent uniquement les membres du conseil, et le maire est ensuite choisi par ses pairs parmi eux. Ce maire a un rôle souvent symbolique, tandis qu’un « city manager », sorte de directeur général des services en France, nommé par le conseil, gère les opérations quotidiennes de la ville. Ce modèle, qui favorise la gestion professionnelle de la ville, est commun dans les municipalités cherchant une gouvernance centralisée et efficace.
Des modèles hybrides
Parce que la vie serait sans doute trop simple avec seulement deux systèmes électifs, ils existent ainsi des modèles hybrides. En effet, certaines villes combinent les éléments des deux systèmes précédents. Le maire est directement élu pour représenter l’expression politique des habitants, mais les responsabilités administratives sont en grande partie gérées par un « city manager ». Ce modèle hybride offre une répartition équilibrée des pouvoirs entre un maire élu qui incarne la volonté des citoyens et un administrateur professionnel qui gère le quotidien.
Des villages gaulois en Amérique !
Cette autonomie des villes dans l’organisation de leurs élections municipales est enracinée dans l’histoire politique des États-Unis, façonnée par le principe de son organisation fédérale évidemment, une tradition d’autogestion précoloniale, les différences culturelles et géographiques. Bref les États-Unis sont composés d'une kyrielle de villages gaulois, non pas d'Armorique mais d'Amérique !
Les villes, et même les États, déterminent ainsi le fonctionnement de leurs élections sans ingérence du gouvernement fédéral, ce qui explique la diversité des pratiques électorales. Chaque communauté locale a pu adapter son gouvernement et ses pratiques électorales aux besoins spécifiques de sa population. Certaines grandes villes préfèrent un maire élu directement, garantissant une gouvernance stable et centralisée, tandis que d’autres, plus petites, privilégient des conseils municipaux qui répondent plus directement aux citoyens. Soulignons que chaque ville peut se doter d’une charte, qui joue le rôle d’une « constitution locale » et définit les règles de gouvernance. Ces chartes permettent d’adopter un modèle sur mesure, fixant la durée des mandats, la structure du conseil, et le mode d’élection du maire.
Cette liberté, que d’aucun appellerait ultra-décentralisatrice, permet aux villes d’innover, de tester et d’adapter leurs modes électoraux en fonction des préférences locales. Mais attention, l'autonomie des villes américaines, bien qu'elle permette une grande flexibilité, peut aussi conduire à des disparités importantes entre les municipalités en termes de gouvernance et de services.
Les États-Unis comme laboratoire d’expérimentation démocratique ?
Si la question peut prêter à sourire au regard des nombreux éditoriaux français publiés durant cette campagne présidentielle, elle mérite pourtant d’être posée. En effet, l’Amérique considère véritablement chaque ville comme un laboratoire d’expression démocratique puisque chacune d’entre elle est libre de s’organiser comme elle le souhaite. Certaines villes optent pour des mandats de deux ans pour rendre leurs élus plus redevables, tandis que d’autres privilégient des mandats de quatre ans pour favoriser la stabilité et les projets de long terme. Et oui, aux États-Unis chaque ville élabore son propre système électoral, influencée par ses traditions locales, ses ressources, et les attentes de ses citoyens. Le modèle électoral américain offre ainsi une grande liberté, ce qui tranche avec l’approche centralisée française.
Et le cumul alors ?
Aux États-Unis, si le cumul des mandats est autorisé, il est, comme en France, limité par des règles spécifiques et des contraintes qui varient selon les États. Il est ainsi rare qu’un élu exerce simultanément un mandat au niveau fédéral (comme sénateur) et un mandat local (comme maire). Des restrictions sont souvent en place pour éviter les conflits d’intérêts et garantir une pleine disponibilité de l’élu.
Si en France nombreux sont les anciens présidents de la République qui ont débuté leur ascension politique avec un mandat local de Maire (Ramadier, Auriol, Mitterrand, Chirac, Sarkozy en ce qui concerne uniquement les présidents de la IVe et Ve République), aux États-Unis, il est rare qu'un président ait exercé la fonction de maire avant d'accéder à la présidence, car les trajectoires politiques locales et nationales sont souvent séparées. La plupart des présidents américains ont débuté leur carrière en tant que membres du Congrès, Gouverneurs ou dans des fonctions au sein de l’administration fédérale. Seuls Andrew Johnson, Maire de Greeneville (Tennessee) en 1834 et Grover Cleveland, maire de Buffalo (New York) en 1882 ont accédé ensuite à la Maison Blanche, il y a près de 150 ans...
Des parcours politiques variés
Si le passage par la « case maire » n’est, a priori, pas le gage d’une ascension politique fulgurante aux États-Unis, l'expérience des Gouverneurs d'État constitue un tremplin non négligeable vers la Maison Blanche.
Les exemples sont nombreux : Franklin D. Roosevelt, Thomas Jefferson, Andrew Jackson, Richard Nixon, Jimmy Carter, Ronald Reagan, ou encore Bill Clinton. Ces figures montrent qu'aux États-Unis, une carrière à l'échelle de l'État est une voie privilégiée pour accéder à la présidence, même si les trajectoires sont également diverses. Contrairement à la France, où les présidents ont souvent débuté leur carrière en tant qu'élus locaux, la fonction de gouverneur d'État, mandat local à l’échelle de ce pays, apparaît comme une étape incontournable qui prépare à des fonctions fédérales de plus grande envergure, notamment grâce à la gestion exécutive et aux défis politiques locaux.
Contrairement aux idées reçues qui laissent à penser qu’il n’y a qu’en France que les élus restent très longtemps dans le paysage politique national, précisons qu’aux États-Unis, les nombreuses opportunités électorales, qu’elles soient locales et fédérales, permettent également aux élus de rebondir et de relancer leur carrière après une défaite. En France, seul Valéry Giscard d’Estaing après son mandat présidentiel a retrouvé un mandat local. Il est redevenu maire de la ville de Chamalières, en 2001, une fonction qu'il a exercée jusqu'en 2008. Pas d’exemple de l’autre côté de l’atlantique si ce n’est la réélection de Donald Trump, qui apparaît, comme un « retour historique » puisque seul, avant lui, Grover Cleveland fut réélu président après un précédent mandat et une défaite. En revenant cet été à l'Assemblée nationale, comme jadis le Président Giscard, François Hollande aura-t-il un destin à la Trump ?
On le constate, en France et aux États-Unis les mandats de maire révèlent des conceptions distinctes de la gestion locale, de la décentralisation, et du rôle des élus dans leurs communautés. S’ils poursuivent le même objectif d’assurer une gouvernance locale efficace et proche des citoyens, les moyens de l'atteindre diffèrent.
En France, la centralisation de l’État et le cadre national définissent clairement les fonctions municipales, tandis qu’aux États-Unis, la flexibilité et la diversité locale permettent l’exercice spécifique d’une gouvernance municipale. Ces différences sont à la fois le reflet des valeurs politiques et de l’histoire de chaque pays, illustrant deux visions de la gouvernance locale : la centralisation en France et la décentralisation aux États-Unis. Une chose est certaine, que ce soit outre-Atlantique ou en France, l’attention portée aux citoyens locaux et l’écoute de leurs colères ou aspirations sont essentielles pour accéder à la fonction présidentielle. Si Donald Trump a su parler aux électeurs du terrain, sans forcément leur proposer les solutions adéquates, il est impératif, en France, de s’inspirer de sa méthode en s’appuyant sur l’expérience des maires qui eux, rappelons-le, participent d’une manière très forte à l’élection présidentielle en accordant notamment leur parrainage aux éventuels candidats.
Comments