Gildas Lecoq
Expression : Élections législatives 2024 : qui a vraiment gagné ?
Dans ce brouillard électoral, même une semaine après le résultat des élections législatives, désigner un vainqueur reste une gageure, un pari hasardeux, bref le débat reste ouvert !
Par Gildas Lecoq
L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, au soir des résultats des élections européennes, a provoqué un séisme politique dont on ne mesure certainement pas toutes les conséquences.
Le 7 juillet dernier, les résultats des élections législatives ont généré, à leur tour, une deuxième déflagration, dont la force a clairement assommé les Français mais surtout plongé notre pays dans une incertitude et une confusion politiques rarement vues sous la Ve République.
Dès lors, désigner un vainqueur dans ce tourbillon politique est un exercice extrêmement difficile, même une semaine après le scrutin...
Sans trop s’avancer, chacun pourra s’accorder sur un fait avéré et factuel : la mobilisation. Les taux de participation très élevés au premier et au second tour illustrent, en effet, clairement à la fois l’appétence des Français pour la politique mais également leur souhait de choisir ceux qui les gouvernent ou plus exactement ceux qu’ils ne veulent pas voir les gouverner en l’occurrence. L’unique vainqueur de cette élection est donc, malgré le flou politique ambiant, la démocratie et c’est sans doute la seule bonne nouvelle.
Les Françaises et les Français se sont déplacés en nombre pour ces élections législatives, près de 67% de participation nationale, la plus forte mobilisation à un second tour de législatives depuis 1997, sans pour autant battre le record de 1978 qui était de 85%. Dans ce brouillard électoral, désigner un vainqueur reste une gageure, un pari hasardeux, bref le débat reste ouvert !
Le soir des élections, il y a des incontournables : Alain Duhamel qui commente toujours avec brio l’actualité politique, les « punchlines » de Rachida Dati sur le plateau de TF1 et, c’est d’ailleurs devenu une sorte de tradition ridicule, le discours stéréotypé des différents représentants des partis politiques qui annoncent avoir gagné. Qu’on soit arrivé en tête ou bon dernier, chacun s’accorde sur le fait que son camp est le vainqueur du scrutin mais que c’est évidemment la France qui a perdu. Dimanche, les élus présents sur les plateaux télé ou dans leurs QG ont donc été conformes à ce que l’on pouvait espérer d’eux, hélas !
A nous Matignon !
Dès 20h02, par la voix de son mentor, Jean-Luc Mélenchon, le Nouveau Front populaire revendiquait sa victoire. Avec près de 180 sièges, le groupement politique hétéroclite que les partis de gauche avaient su organiser à la hâte pour cette campagne, arrivait en tête en nombre de sièges et annonçait (annonce toujours d’ailleurs) être l’unique vainqueur de ce deuxième tour.
Du côté du Rassemblement national, vainqueur des européennes et du premier tour des législatives, avec 143 sièges et plus de 10 millions de voix récoltées, on revendiquait aussi la victoire, s’estimant, dans la même phrase, spolié de celle-ci. Pourtant si Jordan Bardella s’attendait à être appelé à Matignon, les émissaires du RN se réjouissent du score historique du RN et d’avoir fait « sauter la digue » en accueillant dans leur coalition le président désormais esseulé des LR, Eric Ciotti. Dans la victoire comme dans la défaite, on a décidément les héros qu’on mérite !
Du côté du bloc central, le soulagement était palpable. Les près de 170 sièges conservés par les candidats de la majorité sortante étaient le signe, à leurs yeux, d’une victoire éclatante, au regard des 14,60% réalisés lors des Européennes. Mais surtout, l’espoir venait à renaître puisqu’en additionnant leurs élus à ceux de différents groupes ne siégeant pas forcément dans les coalitions de leurs principaux adversaires, comme les élus LR anti-Ciotti, le résultat pouvait les donner gagnants !
Une semaine après le scrutin, le chaos est toujours total.
Chaque groupe politique revendique Matignon, prétextant qu’il pourra gouverner même sans majorité, expliquant même que l’on peut très bien gouverner à coup de 49.3 ou d’ordonnances ! Méthode que ces mêmes candidats à Matignon dénonçaient à l’époque où ils étaient dans l’opposition, demandant en sus la dissolution de l’Assemblée… Bref, une semaine après les résultats on cherche encore qui va gouverner.
Non, dimanche 7 juillet, il n’y a vraiment pas eu de vainqueurs et il est clairement évident que ce résultat n’est pas exactement celui auquel les Français s’attendaient ! Le président de la République pensait clarifier la situation, il a ajouté du brouillard au chaos.
Cette triste séquence nous rappelle surtout la déconnexion totale qui existe entre notre Capitale, nos métropoles et le reste du territoire. Une sorte de réécriture à l’envers de la fameuse fable de la Fontaine « Le Rat de ville et le Rat des champs ».
Cette séquence nous rappelle surtout qu’il est plus qu’urgent de remettre du pragmatisme dans les projets proposés aux Français, de répondre à leurs préoccupations car la déconnexion entre les élus nationaux et nos concitoyens est bien là et le fossé qui les sépare se creuse. Oui, il est temps d’agir au cœur de nos régions, de lancer cette décentralisation si nécessaire et attendue, d’intervenir là où vivent nos concitoyennes et nos concitoyens, d’assurer un maillage plus équitable de nos politiques régaliennes mais surtout plus respectueux de nos territoires.
Faire le pari des territoires
Nos gouvernants, nos parlementaires comme nos médias et leurs journalistes, d’ailleurs, doivent se reconnecter avec la réalité du terrain. Cette réalité elle est aussi portée par nos institutions territoriales, c’est d’ailleurs sans doute leurs élus locaux qui portent le mieux la réponse républicaine que les Français sont en droit d’attendre. Ce sont en effet nos élus de proximité qui répondent le mieux à leurs attentes en matière de sécurité, de pouvoir d’achat, de maitrise budgétaire ou de logement.
En fait, dimanche dernier, les Français ont demandé à leurs parlementaires de faire le pari des territoires et du pragmatisme tout simplement !
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